Des nouvelles de l’Eclat
Bonjour,
« Vous ne nous vaccinerez pas contre la rage que nous avons accumulée. » Anonyme XXIe siècle
Et puisque le métier d’éditeur consiste, dans le meilleur des cas, à anticiper les événements, parier sur l’avenir, croire à l’impossible, se battre pour qu’il advienne, nous n’avons pas hésité à mettre sur le site les parutions du premier semestre 2021, histoire de donner la mesure de notre confiance en vous, les autres ‘vous’ que l’on n’entend pas dans le tintamarre des ‘actualités’, les ‘vous’ qui savez que quelque chose ne tourne pas rond et depuis longtemps, parce que ce qui nous frappe aujourd’hui est bel et bien le contrecoup sur la tête d’une situation qui fut décrite excellemment dans un livre de 1967, qu’une génération d’enthousiastes a transporté de poche en poche, s’est passé de mains en mains, gardant l’espoir qu’il suffisait d’en relire la couverture ou d’en admirer la tranche pour que ce qu’il contenait advienne : «L’histoire présente évoque certains personnages de dessins animés, qu’une course folle entraîne soudain au-dessus du vide sans qu’ils s’en aperçoivent, de sorte que c’est la force de leur imagination qui les fait flotter à une telle hauteur ; mais viennent-ils à en prendre conscience, ils tombent aussitôt.»
Et puis : Bernique !
Rien de nouveau sous le soleil ?
Au contraire ! Le programme est chargé et dense. Nous n’avons pas fait dans la dentelle, mais comme nous nous préparons à de longues soirées de lecture, nous avons allié la qualité à la quantité. Après les 768 pages du livre de Jean-Luc Bourgeois sur Nietzsche, pour ne citer que celui-là, vous aurez droit à :
- Lumière de l’intellect d’Abraham Aboulafia, édité, traduit et présenté par Michaël Sebban (320 pages, et 1741 notes de bas de page), livre écrit en 1283 et qui propose une théorie du langage fondée sur les principes de la cabale. Livre vertigineux, si on admet (avec Fondane) que « l’extase est un simple vertige de l’esprit ».
- Mémoires d’un aventurier juif, Getzl Sélikovitch (320 pages), depuis son Shtetl lituanien jusqu’au fin fond du Soudan à l’époque d’un faux messie musulman, en passant par le Collège de France où il fut l’assistant à Gaston Maspero, les harems de Constantinople, le hamman de Paris, les communautés de Rome, de Corfou, de Londres, jusqu’à New York!
- Des coutumes qui font vivre de Jean Baumgarten (400 pages et 1402 notes de bas de pages), consacrées au «Livre des coutumes» de Shimon Guenzburg, éditeur typographe du XVIe siècle, et qui disent l’importance du livre pour les communautés exilées, bannies, errantes à travers l’Europe, qui y trouvaient tout ce qui constituait leurs propres vies et leur propres coutumes, que les pouvoirs en place s’employaient à détruire et à effacer.
- Heures rapiécées. Poèmes en vers et en prose, d’Avrom Sutzkever (584 pages avec 1 note de bas de page !) traduit du yiddish et présenté par Rachel Ertel. Une importante anthologie de l’un des plus grands poètes yiddish du XXe siècle, combattant du ghetto de Wilno, membre actif de la ‘Brigade de papier,’ témoin au procès de Nuremberg et dont la poésie sauvera la vie littéralement.
Pour les accompagner quelques livres qui tiennent dans la poche :
- L’intention d’amour de Shmuel Trigano, déjà paru en 2007, qui parle de « désir et sexualité dans les Maîtres de l’âme de R. Abraham ben David de Posquières ».
- Pensée pré-logique, logiques nouvelles & Pentateuque qui revient sur « Benjamin Fondane lecteur de Lévy-Bruhl », et établit des ponts entre la pensée dite ‘primitive’ et les nouvelles logiques en passant par … le Pentateuque!
- et la Vie imaginée de Shimon Guenzburg, éditeur typographe du XVIesiècle, à partir de sa correspondance avec Tirzah Adelkind, jeune fille vénitienne, de Patricia Farazzi et Jean Baumgarten, dont le long titre dit bien de quoi il s’agit et qui nous fait pénétrer dans le Ghetto de Venise aux temps des grands imprimeurs.
Quelles librairies pourront les accueillir ? De moins en moins, mais de plus en plus déterminées. On ne demande pas mieux. Il faut juste bien viser et savoir ce qu’on cherche, quitte à, comme Saül, trouver ce qu’on ne cherchait pas.
Qui vous en parlera ? De moins en moins de ‘spécialistes’ de la critique de livres, mais on a mis la main à la pâte et on s’est fendu d’une chaîne des éditions de l’éclat où, rapidement et en ‘amateur’, on vous parle des livres.
Passerons-nous l’hiver ? L’hiver passe toujours. Nous nous glisserons entre les flocons.
Plus que jamais nous avons besoin des livres, et plus que jamais nous devons savoir que ces livres valent pour les actions qu’ils nous encouragent à accomplir.
Comme 2021 n’est pas encore pour tout de suite, un rapide rappel des dernières parutions de 2020 qui vous attendent au coin des librairies clandestines, hors la loi, ou qui pratiquent le « livre à emporter ». [depuis ce message envoyé début novembre, les épiceries ont rouvertes]
Jean-Luc Bourgeois, Friedrich Nietzsche. Vie, œuvres, fragments (qui devait être présenté par l’auteur à la librairie Payot de Lausanne le 13 novembre)
Mazzino Montinari, « La volonté de puissance » n’existe pas
Yona Friedman, L’architecture mobile
Yona Friedman encore, Vous avez un chien
Patricia Farazzi et Michel Valensi, Lettres du chemin de pierre.
L’ensemble des parutions 2020 est – comme le temps passe ! – ici.
Les nouveaux livres et (certains plus anciens) sont au format numérique, si vous avez des liseuses. Quelques liens ici
Merci de votre fidélité.
L’éclat
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30/11/2020