Femmes dérangées, femmes dérangeantes
Appel à contribution
Femmes dérangées, femmes dérangeantes / Disturbed and Disruptive Women
Colloque bisannuel de Women in French UK-Ireland
Du 7 au 9 mai 2021, Maynooth University, Irlande
Invitées d’honneur confirmées
Naomi Fontaine
Écrivaine autochtone d’Uashat, Québec
Giovanna Murillo Rincon
Militante vivant à Paris, luttant pour protéger les personnes racisées queers, trans et intersexes les plus vulnérables.
Les qualificatifs « dérangées » et « dérangeantes », dont une traduction approximative en anglais serait « disturbed » et « disruptive », ont depuis longtemps servi à caractériser les femmes au cours de l’Histoire. Dès qu’une femme ne correspond pas aux normes et aux attentes de la société qui prétendent définir ce qu’est la « féminité acceptable », que ce soit en termes d’apparence, de comportement, de croyance ou de situation, elle est rejetée et méprisée. Les femmes « respectables » sont celles qui ni ne dérangent, ni ne troublent le patriarcat mais qui, au contraire, s’y conforment et préservent le privilège masculin.
Pour les mêmes raisons, perturbations et troubles imposés par les femmes permettent souvent de déstabiliser ces systèmes androcentriques. Les femmes qui ont remis en cause l’ordre des choses de manière éminemment productive ont souvent été les plus « dérangées » et « dérangeantes », des suffragettes à la Méduse rieuse de Cixous, en passant par l’autrice Colette ou encore les héroïnes meurtrières de Despentes. L’action féministe a littéralement fait des vagues, afin de provoquer de réels changements. Cela est particulièrement prégnant dans l’expression artistique des femmes, cristallisée dans les années 1970 par la théorisation de l’écriture féminine : les femmes ont depuis toujours eu recours à des formes narratives expérimentales afin de développer une manière d’écrire qu’elles pouvaient considérer comme leur appartenant, ostensiblement distincte de la tradition littéraire caractérisée par la domination masculine. Tout autant que la forme, le fond lui aussi a revêtu une importance capitale. En abordant dans la littérature et dans l’art leurs propres expériences et désirs de femmes, ces dernières ont, de fait, agi de manière subversive. Les « sujets féminins » (qu’il s’agisse de la menstruation, de la ménopause ou du désir sexuel des femmes), ont de tout temps été absents des représentations culturelles, constituant là un matériau explicitement tabou. Cela explique en partie la popularité du genre de l’autofiction parmi les autrices contemporaines d’expression française.
Déranger l’ordre des choses, c’est aussi en finir avec la simple catégorie de « femme » (woman), qui elle-même a tendance à réduire l’expérience de toutes les femmes (womxn) à celle des femmes cisgenres, blanches et de la classe moyenne. Cette lecture monolithique et binaire de l’identité féminine non seulement réduit davantage au silence les personnes marginalisées de nos sociétés, mais ignore également le pouvoir transformatif qu’elles peuvent apporter à la cause féministe. Les femmes trans en particulier ont bien trop souvent été qualifiées de “dérangées” dans les médias par des voix transphobes (notamment d’ailleurs par une partie de la communauté féministe), alors qu’elles forment probablement le groupe le plus engagé dans la déconstruction de l’idéologie sexiste et misogyne.
Ainsi, de manière aussi intéressante que regrettable, la définition de ce qui constitue une forme de perturbation ou de trouble de la part des femmes est souvent décidée par des femmes elles-mêmes. Les femmes dérangées et dérangeantes sont souvent surveillées par les femmes « respectables ». Mais « déranger », en tant que femme, a pu à la fois servir et desservir l’action féministe, comme le démontrent certains cas célèbres. Il n’y a qu’à penser aux propos controversés de Germaine Greer concernant les femmes trans, ou à la réaction intempestive de Catherine Deneuve, dans Le Monde, concernant la campagne #MeToo. Ainsi, une étude renouvelée des termes retenus ici et de leurs usages nous aiderait à identifier (et, on l’espère, à réduire) les effets les moins évidents du pouvoir patriarcal.
Le thème choisi pour le colloque WIF 2021 peut bien sûr être interprété de multiples manières. Nous invitons les participant.e.s à réfléchir aux différents moyens par lesquels les femmes, dans les littératures et les cultures françaises et francophones ainsi que le cinéma et la politiqe, contribuent à bousculer les définitions traditionnelles de la féminité, et aussi à la façon dont ces transgressions sont reçues et perçues. Nous sommes cependant particulièrement intéressées par des communications portant sur l’une ou plusieurs des thématiques suivantes. Nous invitons aussi des interventions liées au travail de nos invitées d’honneur.
· Femmes et équilibre psychologique
· « Mauvaises » mères/maternités transgressives
· Femmes et déviance sexuelle
· Femmes « dégoûtantes »
· Femmes et colère
· Violence et crimes commis par des femmes
· Femmes dangereuses
· Femmes égoïstes
· Femmes désobéissantes et insoumises
· Écoféminisme et militantes écoféministes
· Femmes migrantes et marginalisées
· Femmes et vieillissement
· Intellectuelles
· Femmes et révolte
*
Les communications peuvent se faire en anglais comme en français.
Merci d’envoyer vos propositions de communication sous forme d’un résumé de 250 mots maximum accompagné d’une brève notice biographique à l’adresse suivante : wifmaynooth@gmail.com
Date limite pour la réception des propositions : 15/09/20
*
Pour toute question, prière de contacter Julie Rodgers ou Polly Galis :
Laisser un commentaire
11/08/2020