Ladislav Klima
à l’heure du dérèglement, ladislav ne craint rien et nous fait grâce d’un nouveau roman, « crachat à la figure de tout ce qu’on a jamais appelé littérature »…
Écrit entre 1908 et 1910, Le Roman tchèque est un des derniers grands inédits de l’oeuvre de Ladislav Klίma en France. C’est un feu d’artifice de fragments qui s’ordonne autour de la contradiction entre philosophie vécue et vie philosophée, incarnée par les différents membres de la famille d’un député tchèque qui fait campagne pour sa réélection au parlement autrichien dans les premières années du xxe siècle. Le rideau se lève sur un meeting politique où le message du député sortant, l’avocat Artur Volný, prêchant l’indépendance à atteindre par un mélange de virtus latine et d’immoralisme nietzschéen, se heurte chez le public à une incompréhension d’un réalisme caricatural. Il n’est réellement soutenu que par ses filles, Irène et Olga, chez qui le militantisme se teinte d’un érotisme incestueux. Cette entrée en matière conduit à un chapitre aussi démesuré qu’échevelé qui conte la transformation de Volný en Dieu « égosoliste » et que Klίma qualifiera de « crachat à la figure de tout ce qu’on a jamais appelé littérature ». Il y a un souffle joycien avant la lettre dans ces pages qui narrent dans une langue crue et inventive, avec des échos d’une actualité étonnante, les entretiens entre Volný et ses filles sur la cosmologie, le suicide, la vie après la mort, le solipsisme théorique et pratique, etc…
Né en 1878 à Domažlice (Bohême occidentale), mis au ban à 16 ans de tous les établissements d’enseignement de l’Empire autrichien, Ladislav Klίma vit tour à tour comme rentier, conducteur d’une machine à vapeur, gardien d’une usine hors service, fabricant d’un ersatz de tabac, dramaturge et journaliste. Philosophe du vécu, solipsiste convaincu, il pousse la pensée de Schopenhauer et de Nietzsche au-delà de ses plus extrêmes limites, publie trois volumes de fragments théoriques et laisse, en mourant à Prague en 1928, une immense oeuvre manuscrite, aussi bien romanesque que philosophique.
Traduction : Erika Abrams a publié quelques volumes de prose non narrative et « d’excellentes traductions d’auteurs tchèques un peu désaxés » (A. Bosquet) : Ladislav Klíma, Richard Weiner, Jakub Deml, mais aussi Ivan Blatný, Jaroslav Durych, František Halas, Václav Havel, Zbyněk Hejda, Josef Hiršal, Vladimír Holan, Josef Jedlička, Jiří Kolář, František Kupka, Arnošt Lustig, Ivan Matoušek et Jiří Weil. Responsable de la première édition complète et critique de l’œuvre de Klíma en tchèque et en français, elle travaille aussi depuis près de quarante ans à faire connaître la pensée du phénoménologue Jan Patočka dans le monde francophone et au-delà. Grand Prix national de la Traduction 1994.
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11/04/2020