C’est la nuit surtout que le combat devient furieux
Michèle Audin écrit sur son blog consacré à la Commune de Paris :
» Les témoignages du temps de la Commune de Paris sont rares : temps court (soixante-douze jours) de la Commune, enfermement des protagonistes dans un même lieu, peu de familiarité de ces protagonistes avec l’écriture, violente répression peu favorable à la conservation d’éventuels écrits… subversifs…
Voici celui d’Alix Payen.
Issue d’une famille bourgeoise « lettrée », elle écrit à sa mère, de Paris (fort d’Issy) à Paris; à son père, de Paris à l’extérieur.
Ses lettres sont peu connues, peut-être même pas connues, et d’ailleurs en bonne partie inédites.
Alix Payen, ambulancière d’un bataillon fédéré pendant la Commune de Paris, n’était même pas connue du «Maitron», le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, jusqu’au jour où la décision de publier ce livre a été prise (septembre 2019). Pourtant, Édith Thomas l’avait mentionnée dans son livre Les Pétroleuses en 1963.
Pourquoi cette ignorance?
Alix Payen ne correspondait pas aux stéréotypes des versaillais – et pas non plus à ceux des historiens de la Commune.
Alix Payen n’était pas ouvrière, elle n’était pas institutrice, elle n’était pas non plus une aristocrate russe, elle n’a pas fréquenté les clubs, elle n’a pas écrit d’articles dans les journaux, elle n’est pas passée en conseil de guerre, elle n’a été membre ni de l’Association internationale des travailleurs ni de l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés… mais elle a défendu Paris et elle a donné des soins aux blessés.
On pense ici à Victorine Brocher. Elles sont aussi très différentes. Pourquoi ne le seraient-elles pas? Bien d’autres femmes très diverses, dont l’histoire et les historiens ont laissé perdre les traces ténues, ont participé, chacune à leur manière, au mouvement de la Commune.
Alix est une bourgeoise et, pleinement citoyenne, elle se bat pour défendre le Paris communard avec son mari – qui en meurt.
Contrairement à Victorine, Alix n’a pas publié ses souvenirs.
Ses – des – lettres ont pourtant déjà été publiées (au moins) trois fois, d’abord par son frère, le peintre Paul Milliet, dans Les Cahiers de la quinzaine (de Charles Péguy) en 1911, ensuite dans les mémoires de Paul Milliet, Les Milliet, une famille de républicains fouriéristes, en 1915-1916. Enfin, dans un livre Mémoires des femmes mémoire du peuple de la Petite collection Maspero, en 1978, « Louis Constant » a repris les textes des Cahiers.
Le livre de Paul Milliet, qui n’est pas un modèle de rigueur et contient plusieurs dates ou commentaires erronés, donnait des versions un peu remaniées des lettres de sa sœur qu’il avait lui-même publiées précédemment. Il était un peu difficile de s’y retrouver entre ces deux versions.
C’est encore une nouvelle version que je propose ici. J’y reproduis des textes (en grande partie inédits) manuscrits d’Alix Payen, conservés par son arrière-petite-nièce Danielle Duizabo, qui a eu la gentillesse de me les montrer et de me permettre de les photographier. Comme elle annonce vouloir le faire (voir ci-dessous la lettre à son père datée du 9 mai) dans une lettre à son père, Alix a repris elle-même les lettres qu’elle avait écrites à sa mère, pour raconter son histoire. Elle destinait ce travail au cercle familial.
Il est grand temps de l’en faire sortir.
Quelques lettres de Mme Milliet, la mère d’Alix, et de Louise Milliet, sa jeune sœur, conservées elles aussi par la famille, éclaireront le contexte et aussi l’engagement communard d’Alix, de Paul et même de Louise.
Livres cités
Thomas (Édith), Les Pétroleuses, Gallimard (1963), — réédition L’Amourier (2019).
Brocher (Victorine), Souvenirs d’une morte vivante, A. Lapie (1909), — Souvenirs d’une morte vivante Une femme dans la Commune de 1871, Libertalia (2017).
Mémoires de femmes mémoire du peuple, Anthologie réunie par Louis Constant, Petite collection Maspero (1978).
Milliet (Paul), Une famille de républicains fouriéristes II, chez l’auteur (1916).
Laisser un commentaire
25/03/2020