Me voici n’ayant dans les mains que du papier !
« Dieu m’avait donné le sens, le besoin, l’instinct – je ne sais comment dire – de l’Absolu, comme il a donné des aiguilles au porc-épic et une trompe à l’éléphant. Don extrêmement rare que j’ai senti dès mon enfance, faculté plus dangereuse et plus torturante que le génie même, puisqu’elle implique l’appétit constant et furieux de ce qui n’existe pas sur la terre, et que par elle est procuré l’isolement infini. Je pouvais devenir un saint et un thaumaturge. Je suis devenu un homme de lettres ! Ces phrases ou ces pages qu’on veut admirer, si on savait qu’elles ne sont que le résidu d’un don surnaturel que j’ai gâché odieusement et dont il me sera demandé un compte redoutable ! Je n’ai pas fait ce que Dieu voulait de moi, c’est certain. J’ai rêvé, au contraire, ce que je voulais de Dieu, et me voici, à soixante-huit ans, n’ayant dans les mains que du papier ! »
Léon Bloy à Jean de la Laurencie le 4 janvier 1915.
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14/03/2020