La demande en poche
Il la regardait comme on regarde ce que l’on découvre, sans faveur ni complaisance. Aux derniers jours du printemps elle dut prendre l’habitude du regard sur elle, se dire que le maître pouvait observer le serviteur comme il observait un arbre ou une couleur de ciel, un cadavre dans un fossé, parfois les choses les plus inattendues tranquillement et sans histoires devenaient si banales et ordinaires que si elles venaient à manquer la vie en était encore plus difficile, quand il se détournait elle le remarquait, puis l’air de rien se détournait à son tour. Il parlait des habitudes, de ce qui commençait et de ce qui finissait.
Il dessinait un visage, ni homme ni femme ni enfant, cherchait dans les cartons d’anciens dessins, le regard clair sous la paupière transparente, l’amas de boucles, recommençait, comparait, en Italie ils avaient parlé de l’ange, des délicatesses de fleur meurtrie à peine éclose, du creux du cerne sur la joue, cette impression de chaleur, de peau brûlante, l’émotion, le plaisir, comment savoir, tout parfois avait été si magnifique.
À la fin de sa vie, sur l’invitation du roi de France, un maître italien, peintre et architecte, quitte son pays. Accompagné de ses élèves, il fait le long voyage jusqu’à la Loire où il aura sa demeure.
On lui donne une servante.
La relation de cette rencontre, en vérité bouleversante, impossible à cerner dans une formule, est le cœur du roman servi par la prose tendue, insidieuse et dense de Michèle Desbordes qui porte – magistralement – le récit jusqu’à son point d’orgue : la demande.
Cet ouvrage a reçu le prix Flaïano de littérature étrangère 2001, le prix du Roman France-Télévision 1999, le prix du Jury Jean-Giono 1999, ainsi que le prix des Auditeurs de la RTBF 1999.
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10/09/2019