Disgrâce couronnée d’épines, journal d’un homme qui meurt.
Disgrâce couronnée d’épines, journal d’un homme qui meurt.
Suivi d’un choix de lettres, de Dans la contagion de Méclisas Golberg d’André Rouveyre (1922),
et d’un Envoi (Aux « littérateurs » parisiens) « je voudrais... »
Mécislas Golberg
Catherine Coquio (éd.)
Le téléphone sera-t-il installé à temps pour que Golberg puisse, depuis son lit de malade, appeler lui-même Paris ? Le « gros » Guillaume (Apollinaire, l’ami) fera-il le voyage de Fontainebleau pour saluer une dernière fois le camarade alité et mourant ? Au moins passera-t-il, comme celui-ci le lui demande, chez Matisse quai Saint-Michel — y prendre les photos requises pour l’article ? Pourra-t-on solliciter à nouveau pour les Cahiers Derain, Picasso, Puy ? Obtenir un article de Max Jacob ? Bourdelle achèvera-t-il à temps le buste de Golberg pour que celui-ci puisse le voir — en photographie au moins ? Et Rouveyre, comme il le craint, va-t-il voir apparaitre la silhouette branlante du malade (« abject, fétide » mais remuant encore « ses mâts » et « sa voilure décâblée ») à la grille de sa si belle maison de Fontainebleau ? En 1922, faisant par écrit (après l’avoir fait à la plume plusieurs fois) le portrait de Golberg, que cherche-t-il encore ? Quelle dette à effacer, à dire, sur ces années de sa jeunesse ?
Au moyen d’un montage de textes, de lettres, de notes, absolument passionnant (par où circulent les désirs, les rancoeurs, les déceptions, les exhortations, les dettes…), Catherine Coquio propose une reconstitution des derniers mois et années de la vie de Mécislas Golberg, alors réfugié à Fontainebleau en sana.
Elle nous installe par ce livre dans l’activité bouillonnante de la bohème littéraire et artistique du Paris de 1905, 1906, 1907… Elle nous installe au plus près de l’écrivain mourant, qui jour après jour écrit ce texte extraordinaire — qui deviendra Disgrâce. A vrai dire, elle nous installe jusque dans son lit — depuis lequel Golberg infatigable continue, non seulement d’écrire, mais de commander, d’adresser, d’exhorter par lettres, avec une énergie bouleversante…
C’est depuis ce lit de sana que dès lors tout ce montage nous parvient. De Fontainebleau vers Paris. D’alors vers maintenant. De là-bas vers ici…
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
« Grandeur et disgrâce de Mécislas Golberg », par Jean-Yves Potel
Mécislas Golberg est mort de la tuberculose en 1907, à l’âge de 37 ans. De cet écrivain, André Gide a brossé un portrait condescendant : « Un réfugié polonais, je crois, d’origine douteuse, de confession incertaine (Juif sans doute), un étrange bohème d’aspect famélique, une sorte d’illuminé de grande intelligence, d’un don littéraire indéniable. » Antoine Bourdelle a sculpté son buste, que l’on peut encore observer à Montparnasse. Apollinaire le voyait en mécène : « Il protège les poètes et les artistes mieux que beaucoup d’amateurs millionnaires et de ministres éclairés. » Bref, un écrivain oublié de la Belle Époque, que Catherine Coquio nous fait découvrir, en éditant son autoportrait dans un livre-montage de textes, lettres et longues notes de fin de volume. Impressionnant.
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28/03/2019