La Haine des clercs
Quand les oreilles sifflent…
La France serait la patrie des intellectuels. Ce lieu commun occulte la virulence des haines que s’attirent les clercs au « pays qui aime les idées ». Faut-il considérer que les accès d’anti-intellectualisme que l’histoire a retenus ‒ l’affaire Dreyfus, le « procès de l’intelligence », la « querelle des mauvais maîtres » ‒ ne seraient que des accidents de parcours propres à dramatiser le récit national ?
Cet ouvrage montre au contraire que l’anti-intellectualisme manifeste, en France, une ardeur continue depuis le xixe siècle. De Proudhon à Michel Houellebecq, des anarchistes aux catholiques intransigeants, des nationalistes maurrassiens aux maoïstes ou aux situationnistes, il entrelace des traditions à première vue contradictoires, dont les clivages manichéens – entre la gauche et la droite, l’art et la critique, la mondanité et la science, l’élitisme et le populisme – ne permettent pas d’appréhender la convergence au sein d’une culture partagée.
Aux « rhéteurs », aux « gendelettres », au « prolétariat des bacheliers », aux « fonctionnaires de la pensée », aux « intellectuels fatigués », à l’« intelligentsia », on reproche de servir le pouvoir ou de subvertir le peuple, de s’engager ou de se taire, de parler pour les autres ou de disserter entre eux… Mais derrière le procès des intellectuels, le plus souvent instruit dans leurs rangs, c’est moins une « guerre à l’intelligence » qui est menée que des batailles de frontières autour de leur place en démocratie.
Ancienne élève de l’École normale supérieure Lettres et Sciences humaines, Sarah Al-Matary est maîtresse de conférences en littérature à l’université Lumière-Lyon 2. Ses travaux portent notamment sur l’histoire des polémiques intellectuelles.
Vendredi 22 mars à 19h, rencontre avec Sarah Al-Matary à l’occasion de la publication de La haine des clercs : l ‘anti-intellectualisme en France publié au Seuil. Rencontre animée par Yves Pages au Monte en l’air à Paname.
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13/03/2019