Brûlées
Brûlées
Brûlées, premier roman d’Adriadna Castellarnau, délivre une prose implacable, sèche et intensément belle, comme si les mots eux-mêmes avaient été réduits et purifiés par le feu. Le monde est en train de mourir. Ou il est peut-être déjà mort, mais il est encore habité par des survivants qui s’entendent sur la manière de mourir de faim, qui défendent leurs biens, qui prient pour l’avenir et qui abandonnent leurs enfants, parfois pour qu’ils aient une vie meilleure, parfois simplement parce qu’ils sont épuisés. Ce qui est arrivé au monde et pourquoi cela est arrivé n’est pas fondamental, ce qui compte c’est ce qu’il faut faire des dépouilles, de la crasse, de ces feux de joie nocturnes, de l’abandon lent de la compassion et du gouvernement de la tristesse.
Brûlées est un roman axé sur les femmes. C’est comme si les hommes, leur pouvoir, leur domination, le stéréotype du mâle, avaient aussi été brûlés. Les rares qui restent ont perdu leur virilité ou le feu leur a révélé leur vulnérabilité. Les femmes sont les véritables héroïnes de cette histoire, qui, en un mouvement à la fois terrible et libérateur, les contraint à réinventer radicalement leur rôle social.
« Le monde se meurt. Peut‑être est-il déjà mort, mais des survivants l’habitent encore. Ils font des pactes sur la manière de mourir de faim, défendent leurs austères possessions, prient le long des chemins et abandonnent leurs enfants, soit pour qu’ils aient une vie meilleure, soit par épuisement. Ariadna Castellarnau connaît tellement bien ces êtres désespérés qu’il lui suffit de quelques traits de sa prose sèche, intensément belle par moments, pour en dessiner les contours : la femme sans jambe, la femme sans œil, la petite albinos, les jeunes chasseurs, le frère responsable. Ce qui est arrivé au monde n’est pas fondamental dans cette cartographie du désarroi qu’est Brûlées. Il importe bien plus de savoir quoi faire des résidus, de la crasse, de ces bûchers au cœur de la nuit, du lent abandon de la compassion et du règne de la tristesse. […] Castellarnau écrit sur la fin comme si elle la connaissait, comme un témoin qui sait, qui devine et qui blesse ; un témoin qui enrage de la mort de la lumière. »
Mariana Enríquez
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9/05/2018