Vélimir Khlebnikov
Vélimir Khlebnikov (1885-1922), « président du globe terrestre », le plus grand des poètes russes, si grand qu’il « ne passe pas par n’importe quelle porte », a participé à la fondation du mouvement futuriste, puis s’en est écarté pour suivre un chemin de solitude. Novateur, il va au-delà du langage transmental des futuristes (zaoum, élégamment traduit par l’outrâme), dynamitant le langage pour recréer un monde nouveau. Les mathématiques, l’ornithologie (la profession de son père), l’astronomie, la philosophie façonnent cette langue nouvelle – langue des oiseaux, poésie stellaire – qui dit les bruissements du monde, en cherche la structure profonde. Salué par Roman Jakobson, il est aussi admiré par les poètes de sa génération, aussi différents de lui que Mandelstam, Pasternak, Tsvetaeva, et fascine des peintres comme Larionov ou Malevitch.
Et par exemple :
Ici j’ai erré enchanté
ici j’ai erré encerclé
par la meute des chiens du verbe à imprimer
ils rêvaient de becqueter ma hanche bleue
j’étais la seule fente
à travers laquelle l’avenir tombait
dans le seau de la Russie
Mon ivresse de moi-même
était une descente de gouttière pour le demain
pour le panier des larmes de demain
Au loin à la fenêtre des nuits se tenait personne
Ce qui m’a rongé et tourmenté – cela sera
Comme un chien sauvage
je cours sur le sentier sacré
parmi les géants des vieilles mers
en suivant les étoiles
éclairé par l’asile de nuit stellaire
Ô magnifiques bat-flanc noirs !
Vélimir Khlebnikov, Œuvres 1919-1922, traduit du russe, préfacé et annoté par Yvan Mignot, Verdier, collection Slovo, 1150 p., 47€.
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19/10/2017