Les théâtres de Marx
Colloque international
27 février – 2 mars 2018
Ens de Lyon
Il est acquis que Marx a peu écrit sur l’art et, moins encore, sur le théâtre. Une correspondance, en 1859, avec Ferdinand Lassalle autour de sa pièce Sickingen, commentée par Lukacs, en constitue l’apport essentiel ainsi que, plus ténues, des références ponctuelles à certaines œuvres et dramaturges et quelques métaphores théâtrales.
Pour autant, se limiter à ce seul recensement conduit à minorer de façon dommageable l’influence de Marx sur le théâtre. Des recherches récentes ont récemment permis d’évaluer à nouveaux frais l’importance de son apport pour l’art[1]. Dans ce prolongement, il s’agirait, à présent, de se concentrer sur la dimension théâtrale. La longue méditation de Marx sur la représentation ou sa critique de la « schillerisation » du drame de Lassalle ne sauraient être évacués sans pertes. Non pas que cette œuvre soit automatiquement ni nécessairement ajustée, qu’elle puisse être convoquée sans inventaire ni regard critique, applicable sans considération des conjonctures, sans examen de son usage dans les pays du « socialisme réellement existant » mais il paraît bien qu’une telle entrée, jamais étudiée sur la durée ni même de façon systématique, peut à la fois éclairer pratiques et réceptions tout autant que constituer, à sa façon, une histoire singulière et inexplorée du « théâtre politique ».
Plus encore, l’omission récurrente du marxisme — des « mille marxismes » comme le mentionne polémiquement une collection chez l’éditeur « Syllepse », soucieuse de ne pas le rabattre sur une quelconque orthodoxie — dans les pensées sur le théâtre, outre sa signification politique, prive son appréhension de points et d’appuis dont on pressent qu’ils pourraient, dans leur hétérogénéité, nourrir travaux, recherches et oeuvres. Il est en effet incontestable qu’au cours des deux siècles qui nous séparent de sa naissance, le nom de Marx, son œuvre et ses interprétations ont nourri, inspiré, orienté — fût-ce de façon antagonique : il existe aussi un anti-marxisme théâtral — des travaux, des projets, des critiques dramatiques. En retour, il est émis l’hypothèse que le fil du théâtre et du « drame » s’avère potentiellement fécond pour penser le « marxisme » et son histoire : ce qui s’en dit, ses façons de le concevoir, d’en appréhender les fonctions, les langages témoigne tout autant qu’il produit une pensée esthétique autrement plus riche et productive que ce que la tradition a bien voulu en retenir.
A l’occasion du bicentenaire de la naissance de Marx en 2018, le colloque international « Les Théâtres de Marx » propose de revenir sur les rapports qui lient (et délient) théâtre et marxismes. Il mêlera chercheurs et artistes et s’organisera autour de trois axes :
1. Les Marxistes et le théâtre. Il s’agira, à l’occasion de ce colloque de revenir sur les apports théoriques propres et hétérogènes de quelques figures et configurations décisives du marxisme international au théâtre — on songe ainsi, parmi d’autres, aux textes d’A. Gramsci sur le théâtre, aux apports bien peu étudiés, par exemple, du brésilien R. Schwartz, du britannique R. Williams, ou de l’américain F. Jameson —, pan abordé — au mieux — de façon monographique, peu concerné souvent par leurs parts théâtrales. Quels sont ces apports ? Leurs cohérences ? Leurs références ? Comment se situent-ils dans la constellation marxiste ? Et comment s’insèrent-ils au cœur des études théâtrales ? Cet axe entend s’intéresser aux pensées sur le théâtre, polarisé par le marxisme, c’est-à-dire aussi à celles qui s’en démarquent, l’amendent ou le contestent.
2. Les Artistes et le marxisme. On connait l’importance pour l’œuvre de Brecht de la découverte du Capital et de l’orientation prise alors par son théâtre : moins un théâtre marxiste, d’ailleurs, qu’une manière de l’aborder en L’enjeu de ce deuxième axe est de travailler sur ce que le marxisme permet, sa capacité à nourrir le travail d’écriture, de plateau, les processus de création et de production mais aussi la critique et les études théâtrales. Il s’agira ainsi d’interroger la fécondité du marxisme comme inspiration, méthodes et positionnements dans le champ artistique tout autant que de mesurer ce qu’il peut — ce qu’il a pu — empêcher, brider ou détourner.
3. Une représentation du marxisme. Des œuvres théâtrales notoires (le Karl Marx Théâtre inédit de J.-P. Vincent et B. Chartreux, Le Capital et son singe de S. Creuzevault mais aussi Emballage d’A. Benedetto ou Karl Marx, le retour d’H. Zinn) ont pris pour objet le marxisme, ses grandes heures historiques ou son versant théorique, de façon plus ou moins critiques. Comment et pourquoi rendre scénique ou spectaculaire (car il existe aussi des performances) cette pensée ou ce courant ? Il s’agira dès lors d’interroger, esthétiquemen, le marxisme, sa capacité à occuper la scène et les questions dramaturgiques, poétiques et politiques qui se posent aux artistes en conséquence (ce qui suppose éventuellement, afin d’en mesurer les singularités, de confronter les œuvres à d’autres supports artistiques tels que le cinéma, les arts plastiques, la poésie). C’est en retour une certaine histoire renouvelée des formes, positions et enjeux du théâtre politique qui pourrait alors apparaître.
Ce colloque entend croiser des travaux de chercheur.es en études théâtrales, en esthétique mais aussi en histoire, philosophie et sciences politiques et des artistes.
Les propositions de communication (titre, résumé de 350 mots et une courte notice biobibliographique) sont à soumettre avant le 31 juillet 2017 (olivier.neveux@ens-lyon.fr).
Responsable : Olivier Neveux, Ihrim – UMR 5317 (olivier.neveux@ens-lyon.fr)
Comité Scientifique :
Christophe Bident, Etudes théâtrales, Université de Picardie – Jules Verne
Laura Erber, Théorie et Histoire de l’Art, Université Fédérale de l’État de Rio de Janeiro – UNIRIO (Brésil)
Clare Finburgh, Etudes théâtrales, Université de Kent (Royaume-Uni)
Stathis Kouvélakis, Philosophie politique, King’s College de Londres (Royaume-Uni)
Jean-Marc Lachaud, Philosophie de l’art et Esthétique, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Mireille Losco-Léna, Etudes théâtrales, Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre
Eve Lamoureux, Histoire de l’art, Université du Québec à Montréal (Canada)
Arnaud Maïsetti, Arts de la scène, Aix-Marseille Université
Priscila Matsunaga, Théorie littéraire, Universidade Federal do Rio de Janeiro – UFRJ (Brésil)
Olivier Neveux, Etudes théâtrales, Ens de Lyon
Anne Pellois, Etudes théâtrales, Ens de Lyon
Florent Perrier, Esthétique et théorie de l’art, Université Rennes 2
Stefanie Prezioso, Histoire internationale, Université de Lausanne (Suisse)
Marie-Ange Rauch, Etudes théâtrales, Université Paris 8
Daniel Urrutiaguer, Arts de la scène, Université Lyon 2
Karel Vanhaesebrouck, Histoire et esthétique du spectacle vivant, Université Libre de Bruxelles (Belgique)
[1] Isabelle Garo, L’Or des Images. Art-Monnaie-Capital, XXX, Editions La Ville Brûle, 2012.
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10/07/2017