DE L’ACTION DIRECTE
(Extrait)
J’ai déjà dit que, parfois, l’action politique obtient quelques résultats positifs – et pas toujours sous la pression des partis ouvriers, d’ailleurs. Mais je suis absolument convaincue que les résultats positifs obtenus occasionnellement sont annulés par les résultats négatifs ; de même que je suis convaincue que, si l’action directe a parfois des conséquences négatives, celles-ci sont largement compensées par ses conséquences positives.
Presque toutes les lois originellement conçues pour le bénéfice des ouvriers sont devenues une arme entre les mains de leurs ennemis, ou bien sont restées lettre morte, sauf lorsque le prolétariat et ces organisations ont imposé directement leur application. En fin de compte, c’est toujours l’action directe qui a le rôle moteur. Prenons par exemple la loi antitrust censée bénéficier au peuple en général et à la classe ouvrière en particulier. Il y environ deux semaines, 250 dirigeants syndicaux ont été cités en justice. La compagnie de chemins de fer Illinois Central les accusait en effet d’avoir formé un trust en déclenchant une grève !
Mais la foi aveugle en l’action indirecte, en l’action politique, a des conséquences bien plus graves : elle détruit tout sens de l’initiative, étouffe l’esprit de révolte individuelle, apprend aux gens à se reposer sur quelqu’un d’autre afin qu’il fasse pour eux ce qu’ils devraient faire eux-mêmes ; et enfin elle fait passer pour naturelle une idée absurde : il faudrait encourager la passivité des masses jusqu’au jour où le parti ouvrier gagnera les élections ; alors, par la seule magie d’un vote majoritaire, cette passivité se transformera tout à coup en énergie. En d’autres termes, on veut nous faire croire que des gens qui ont perdu l’habitude de lutter pour eux-mêmes en tant qu’individus, qui ont accepté toutes les injustices en attendant que leur parti acquiert la majorité ; que ces individus vont tout à coup se métamorphoser en véritables « bombes humaines », rien qu’en entassant leurs bulletins dans les urnes !
Voltairine de Cleyre,
Extrait d’une conférence prononcée à Chicago le 21 janvier 1912
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22/04/2017