Philosophie et marionnette
Qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce que la liberté ? Comment envisager les liens entre l’esprit et la matière ? Entre l’homme et les pouvoirs de tous ordres — politiques, métaphysiques, visibles et invisibles — qui le manipulent ?
Ainsi pourrait-on résumer très rapidement les problèmes philosophiques que la marionnette et son théâtre ont contribué à formuler tout au long de leur histoire. En effet, outre les valeurs spirituelles liées à la marionnette dans diverses civilisations, la philosophie occidentale en a fait une image privilégiée de plusieurs questions fondamentales. Étant donné, par ailleurs, les évolutions technologiques et numériques, qui produisent de nouvelles images, de nouveaux avatars de l’humain, assimilables ou non à la marionnette, il semble nécessaire, de réinvestir en ce début de XXIème siècle les relations entre marionnette et philosophie.
Ce sont ces questions très vastes que cet ouvrage collectif veut explorer, en proposant pour la première fois d’étudier les « scènes philosophiques de la marionnette » de l’Antiquité à nos jours, à travers différentes études de cas qui concernent autant des textes purement philosophiques — qui envisagent la marionnette comme métaphore de l’homme (Platon), des relations entre l’âme et le corps (Descartes) de la conscience (Leibniz), du langage, etc. — que des expériences théâtrales concrètes posant des problèmes philosophiques particuliers.
Situé à la croisée des domaines de l’art, de l’artisanat et de la technique, vecteur de pratiques religieuses et de la culture populaire autant que de recherches esthétiques proprement dites, l’art de la marionnette déborde de toutes parts le carcan des imaginaires collectifs qu’elle mobilise. En étudiant son rôle et ses avatars au cours de l’histoire et dans les sociétés contemporaines, conservateurs, historiens de l’art et du spectacle, anthropologues et artistes interrogent ce champ irréductible à sa seule matérialité. Comment un tel objet a-t-il réussi à entrer dans les musées et de quelle manière lui octroyer la place qu’il mérite dans ce nouvel espace ? La question du statut de la marionnette, au-delà du champ patrimonial, est au coeur de cet ouvrage qui nous dévoile tous les secrets de ce « théâtre du monde en réduction ».
Table des matières
Joël Huthwohl
Tel le jeune enfant qui tend la main… Quelques réflexions
sur la place des marionnettes dans les institutions patrimoniales
Thierry Dufrêne
Introduction
Françoise Lernout
De l’acquisition à l’exposition à l’ère du numérique : questionnements
Cécile Obligi
Photographier les marionnettes
Raphaèle Fleury
La mémoire de la technique et du mouvement
Caterina Pasqualino
Être chose : marionnettes, possession cubaine et théâtre contemporain
Katia Légeret
Mettre en scène le danseur et la marionnette : les conditions d’émergence en Inde d’un nouveau musée de l’art vivant
Julie Sermon
Marionnettes contemporaines : de la manipulation à l’installation ?
Denis Vidal
Retour d’animisme ? Anthropomorphisme et robotique humanoïde
Emmanuel Grimaud
Pour quelques secondes de confusion ontologique. Échecs et réussites du contact dans une expérience de télé-robotique
Thierry Dufrêne
Autour de Christiaan Zwanikken
Florence Duchemin-Pelletier
Entretien avec Christiaan Zwanikken
Cédric Enjalbert
« Les objets obligent le sujet à se positionner ». Entretien avec Aurélia Ivan
Voulant donner à voir, sur la scène, « cette vie mystérieuse, joyeuse et superbement aboutie que l’on appelle la Mort », Edward Gordon Craig propose en 1907 de remplacer le comédien de chair et de sang par son double artificiel, la Surmarionnette. Près de soixante-dix ans plus tard, le mannequin en compagnie duquel Tadeusz Kantor fait entrer l’acteur vivant sur la scène vient nous rappeler que le théâtre prend sa source dans les territoires de la mort.
Nombreux sont, aujourd’hui, les artistes qui se ressaisissent de ce double héritage, repoussant les limites du théâtre d’acteurs et du théâtre de marionnettes pour explorer les relations entre corps biologique et corps artificiel, représentation de la mort et représentation du vivant.
Ce volume rassemble les actes d’un colloque international organisé par l’Institut international de la marionnette du 15 au 17 mars 2012, et qui a réuni des spécialistes, des universitaires et des artistes venus du monde entier. À travers la diversité des créateurs évoqués (d’Oskar Schlemmer à Gisèle Vienne, de Maurice Maeterlinck à Bérangère Vantusso, de Romeo Castellucci à Kris Verdonck, de Virgilio Sieni à David Girondin-Moab ou Oriza Hirata…), la fascination pour un théâtre d’effigies, où les signes de la vie et de la mort se redistribuent, est ainsi examinée dans ses développements les plus récents, d’un point de vue esthétique, poétique, philosophique ou anthropologique.
In order to give shape, on stage, to the “mysterious, joyous, and superbly complete life which is called Death”, Craig proposed, in 1908, to replace the flesh-and-blood actor with an artificial double, the Über-marionette. Nearly seventy years later, Tadeusz Kantor, who had the mannequin enter the stage in the company of the living actor, aimed at reminding us that the art of theatre has its source in the territories of death.
Today there are many artists who seize on these two legacies, pushing back the limits of the theatre of actors and puppet theatre in order to explore the links between the biological body and the artificial body, between the representation of the death and the representation of the living.
This volume which comprises the proceedings of an international conference organized by the Institut international de la marionnette from 15-17 March 2012 brings together researchers, academics and artists from all over the world. Through the diversity of the evoked creators mentioned here (from Oskar Schlemmer to Gisèle Vienne, from Maurice Maeterlinck to Bérangère Vantusso, from Romeo Castellucci to Kris Verdonck, or from Virgilio Sieni to David Girondin-Moab or Oriza Hirata, etc.), the fascination for a theatre of effigies, where in which the signs of the life and the death are exchanged, is thus examined in its most recent developments, from an esthetic, poetic, philosophical or anthropological point of view.
Table des matières
Mischa Twitchin
Sur « l’image vivante de l’homme sortant des ténèbres… » dans le Giulio Cesare de Romeo Castellucci
On “the live effigy of man emerging out of the shadows…” in Romeo Castellucci’s Giulio Cesare
Amos Fergombé
Simulacres et transfigurations des corps dans l’oeuvre de Samuel Rousseau
Simulacra and transfigurations of bodies in the work of Samuel Rousseau
Spectres et mannequins sur la scène contemporaine / Spectres and mannequins on the contemporary stage
Brunella Eruli
Pour un théâtre nécessaire — Les Géants de la montagne. Pirandello et Kantor
For a necessary theatre — The Mountain Giants. Pirandello and Kantor
Silvia Mei
Théâtre iconographique : la scène italienne des années 2010
Iconographic theatre : the years two thousand and ten on the Italian stage
Rossella Mazzaglia
Fantômes réels et corps illusoires : la trilogie de Virgilio Sieni d’après De Rerum Natura de Lucrèce
Real phantoms and illusionary bodies : the trilogy of Virgilio Sieni after Lucretius’ De Rerum Natura
Gisèle Vienne
Un itinéraire de création
A journey of creation
Julia Dobson
Troublantes matières : des corps (in)habités dans l’œuvre de Gisèle Vienne
Troubling matters : (un)inhabited bodies in the work of Gisèle Vienne
Simon Hagemann
Les robots sur la scène théâtrale : précurseurs, enjeux, conséquences
Robots on the stage : precursors, challenges, consequences
Discussion / Panel discussion : Brunella Eruli, David Girondin-Moab,
Didier Plassard, Bérangère Vantusso, Gisèle Vienne
Spectres et mannequins sur la scène marionnettique contemporaine
Spectres and mannequins on the contemporary puppet stage
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16/11/2016