Le Rapport Brazza
En mars 2014, Le passager clandestin publie pour la première fois le rapport établi entre 1905 et 1907 par le ministère des Colonies, à partir des informations rassemblées par la dernière mission de Pierre Savorgnan de Brazza au Congo. Ce document présenté par Catherine Coquery-Vidrovitch est accompagné de nombreuses autres archives inédites.
Par cette publication, le passager clandestin met à la disposition de tous un document fondamental pour appréhender l’histoire coloniale européenne au tournant du XXe siècle, ses enjeux, ses pratiques et ses effets.
En 1903, le journaliste britannique Edmund Morel entreprend de lancer une campagne européenne contre les abus du « caoutchouc rouge » (sanglant) de l’État indépendant du Congo, le futur Congo belge, alors soumis au pouvoir discrétionnaire de Léopold II, roi des Belges. Côté Congo français, les abus sont réputés moins criants. Néanmoins ils sont assez réels pour provoquer quelques remous dans la presse et au parlement au cours de l’année 1904-1905.
En 1905, pour tenter de faire taire les rumeurs et calmer l’impatience des autres puissances coloniales de la région, les autorités françaises se sentent obligées de dépêcher sur place une mission d’inspection.
Telle est l’origine de la dernière mission en Afrique de Pierre Savorgnan de Brazza, partie le 5 avril 1905 de Marseille, qui entraîna la mort de l’explorateur, le 14 septembre 1905, à l’escale du retour à Dakar. Le rapport qui fut rédigé par le ministère à partir des archives de la mission, jugé explosif, ne fut jamais publié. Il fut oublié et on le crut perdu…
Le rapport Brazza met en lumière un système inefficace, coûteux pour l’État et surtout à l’origine d’abus massifs et intolérables. Il montre le poids exercé par les intérêts privés sur la politique coloniale. Il prouve que l’administration française ne pouvait ignorer ces dérives, qu’elle les tolérait et que, dans une certaine mesure, elle les couvrait.
À travers cette histoire singulière c’est la question même de la mémoire et de l’écriture de l’histoire coloniale française et européenne qui est posée à nouveaux frais, comme l’explique Catherine Coquery-Vidrovitch, seule historienne française à avoir eu connaissance du rapport, dès 1965 : « Tout se passe comme si on avait affaire à un cas d’amnésie collective, ou plutôt à une volonté collective de ne pas savoir, de ne pas se souvenir. (…) Ce manque de curiosité, ou plutôt ce désir, inconscient ou non, de ne pas inventorier le passé colonial, dure encore aujourd’hui. (…) La raison d’être de la présente édition est, sur des faits précis, d’établir aussi fidèlement que possible le savoir tel que nous l’ont transmis des documents originaux, inédits, abondants et librement consultables, seule façon de prendre sereinement connaissance de la totalité de notre passé. »
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21/05/2014