Tortures
Krypton, Roma Tre Press, 2013.
« Tortures »
L’utilisation copieuse des tortures à travers les siècles a naturellement suscité la réflexion d’intellectuels en tout genre, de philosophes et d’hommes de lettres (Erasme, Voltaire, Verri, Beccaria, Orwell, etc.), tout en nourrissant, en même temps, différentes formes de représentations, souvent aux significations larges, voire ambiguës (que l’on pense, par exemple, au marquis de Sade). L’ensemble de ces représentations, ainsi que le débat surgi autour de sa nature et de son utilisation, ont rendu la torture un sujet épineux, aux connotations éthiques assez problématiques, tout en sortant sa pratique de cet « angle mort » où le pouvoir aurait voulu la reléguer.
La torture, loin d’être une exception ou une forme extraordinaire de punition ou coercition physique et/ou mentale, et en tant qu’arme du Pouvoir, a été très souvent un dispositif efficace et impitoyable, c’est-à-dire un moyen puissant d’affirmation et de discipline. Sa présence dans l’organisation des sociétés occidentales a été une véritable constante : en tant qu’instrument de constriction et, parallèlement, dans sa portée symbolique, la torture a certainement représenté une stratégie adoptée par les Autorités afin de délégitimer les adversaires, les soumettre, sournoisement les anéantir. Il suffit d’observer les divers conflits qui secouent nos sociétés aujourd’hui pour voir non seulement ressusciter différentes formes de torture mais, toujours plus souvent, constater leur légitimation, voire leur banalisation et spectacularisation, qui engendrent des mutations du concept même de torture auprès de l’opinion publique.
Il est tout aussi intéressant de considérer, d’un point de vue non nécessairement ou strictement politique, le rapport avec la corporéité et le corps, qui a donné lieu à des formes de discipline ou d’autodiscipline lesquelles, loin d’être des résidus du Moyen-âge, étaient très proches de la torture. Aussi bien par la privation que par la violence auto-infligée et parfois bien affichée, ces pratiques ont caractérisé la culture religieuse, non seulement dans la tradition chrétienne, jusqu’à une époque récente.
Qu’elle s’apparente à un mal nécessaire, une pratique inacceptable et indigne de la condition humaine, un instrument de plaisir ou de soumission, une arme de lutte politique, un moyen de menace ou à une réalité indicible, la torture (et ses pratiques avec elle) demeure un objet d’analyse encore très actuel, qui demande à être questionné à travers une approche relevant de disciplines diverses comme l’anthropologie, l’histoire, le droit, la psychologie, la philosophie et la littérature, aussi à fin de multiplier nos connaissances autour des rapports entre la corporéité, l’individualité et la liberté, tels qu’ils se sont construits dans les derniers siècles. A travers une enquête critique sur les formes que la torture a prises et continue de prendre, de ses représentations dans la littérature et les arts, mais aussi sur la base de la réflexion philosophique qu’elle a suscitée jusqu’à aujourd’hui, le troisième numéro de la revue Krypton entend susciter à nouveau le débat sur ce thème pour réévaluer les manifestations et les définitions multiples de la notion de torture et repenser donc cette notion en ce qu’elle touche nos perceptions, l’organisation de nos sociétés et les normes qui les régissent.
Les articles, rédigés dans l’une des langues acceptées par la revue Krypton (anglais, français, italien, portugais, roumain), doivent être envoyés avant le 15 décembre 2013 au courriel suivant : krypton@uniroma3.it.
Les articles, ne devant pas excéder les 35000 signes et devant respecter impérativement les normes de rédaction adoptées par la revue, feront l’objet d’une double évaluation anonyme (double blind peer review).
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14/11/2013