Dans l’oeil de Buñuel
« La cruauté, le fétichisme, le désir et la frustration sexuelle, la bourgeoisie, la lutte des classes, la religion, le surréalisme, la puissance de l’imagination : les principaux thèmes qui traversent l’œuvre de Luis Buñuel (1900-1983) portent en eux la promesse d’un cinéma puissant, parfois dérangeant, irrationnel et subversif au sens le plus complexe et le plus intéressant du terme (souvent galvaudé par ailleurs). « Le cinéma est la meilleure arme pour exprimer le monde des songes, des émotions et de l’instinct », annonce le réalisateur d’Un chien andalou (impressionnant premier court-métrage écrit avec Salvador Dali en 1929), de Los Olvidados (1950) ou encore du Charme discret de la bourgeoisie (1972).
« Pour Buñuel, le mal est inhérent à la nature humaine. La poésie qu’elle délivre révèle quelque chose d’atroce et de sordide », explique l’écrivain et metteur en scène Jean-Claude Carrière, scénariste de nombreux films, dont La Voie lactée (1969), certainement l’un des plus beaux et aboutis du cinéaste d’origine espagnol naturalisé mexicain. » Il y a un inconformisme chez moi depuis mon enfance », précise Buñuel.
« DES HISTOIRES D’HOMMES IRRESPONSABLES DE LEUR VULGARITÉ »
Si l’on qualifie parfois rapidement son cinéma de « pervers », le comédien Michel Piccoli, qui a tourné avec Jeanne Moreau sous la direction du réalisateur dans Le Journal d’une femme de chambre (1964), mais aussi avec Catherine Deneuve dans Belle de jour (1967), nuance et approfondit cette image : « Il aimait beaucoup raconter des histoires d’hommes irresponsables de leur vulgarité et de leur comportement immonde, surtout sexuellement. Il n’y a pas de perversité chez Buñuel. Il y a de la tragédie et du silence. »
Ecrit avec une précision et une finesse rares, réalisé par François Lévy-Kuentz et raconté par le comédien Jacques Bonnaffé, ce documentaire retrace le parcours artistique et les engagements de Luis Buñuel en explorant les grands films de son oeuvre. Au sens de l’analyse et à l’écriture réflexive de François Lévy-Kuentz viennent s’ajouter les souvenirs personnels des proches du cinéaste (Jean-Claude Carrière, Carlos Saura, Michel Piccoli ou encore son fils Juan-Luis Buñuel). Le film s’enrichit aussi de plusieurs séquences d’archives dans lesquelles le réalisateur se livre.
Passionnant et éclairant pour qui s’intéresse au cinéma et à sa puissance, en particulier politique, ce documentaire est diffusé sur Arte juste après Le Journal d’une femme de chambre et avant Viridiana (1961). Il s’inscrit dans un « cycle Luis Buñuel » qui permettra aussi de revoir notamment, le 15 juillet, Cet obscur objet du désir (1977) et, le 19 juillet, Un chien andalou. »
François Lévy-Kuentz – (France, 2013, 52 minutes). Diffusion le lundi 1er juillet à 22 h 25 sur Arte.
Hélène Delye
http://www.lemonde.fr/culture/article/2013/07/01/dans-l-oeil-de-luis-bunuel_3437909_3246.html
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7/07/2013