Le Foetus récalcitrant
Henri Viltard vient de rééditer l’excellent Foetus récalcitrant de Jossot, tel un bel hommage à l’insurrection en Tunisie. Nous en reparlerons très certainement. Pour ceusses qui ne connaîtraient pas l’œuvre du caricaturiste, y’a une exposition à Paris sur le gus. Les détails ICI.
«Quand un fœtus récalcitrant ne manifeste qu’un médiocre empressement à sortir des entrailles maternelles, on va quérir les forceps et, sans tenir compte de ses cris de protestation, on l’introduit dans la vie.
Puis on le ligote dans un maillot liberticide tandis que l’auteur de ses jours, flanqué de deux témoins, se dirige vers la mairie et l’église pour bombarder son rejeton sectateur d’une religion et citoyen d’une patrie, tout en négligeant, bien entendu, de lui demander son avis.»
Ce sont les premières lignes du livre de Jossot et, déjà, tout est dit. Sa verve de caricaturiste anarchiste trouve dans le pamphlet un nouveau moyen d’expression. Dans Le fœtus récalcitrant, il fustige l’éducation traditionnelle par les parents («des scorpions») ou les enseignants («des déformateurs de cerveau»). Seule sa vocation artistique, affirme-t-il, lui a permis de réchapper au «dressage». Et son métier de caricaturiste, qu’il analyse avec précision et subtilité, lui semble un remède nécessaire pour «décortiquer les tares d’une société dans laquelle le mensonge est roi» et développer l’esprit critique.
Mais pour conserver ou retrouver une vraie liberté, déclare Jossot, il existe une autre qualité indispensable, l’oisiveté, à laquelle il consacre le second texte de ce livre : l’Évangile de la paresse.
Il détaille avec humour mais surtout avec virulence tous les maux engendrés par le travail, et son corollaire, la cupidité. L’esclavage, l’aliénation, la colonisation, les applications monstrueuses de la science ou l’épuisement de la nature sont les conséquences de l’activité des industrieux, qui inventent sans cesse de nouveaux besoins pour inciter l’homme à travailler plus encore.
Alors, pour dénoncer cette fuite en avant, il place son éloge du ne rien faire sous le plus haut patronage qui soit :
«Quand le créateur fit sortir le Cosmos de sa pensée, Il ne bougea pas, ne s’agita pas, ne se fatigua pas, et pourtant Il éprouva le besoin de se reposer.
Se reposer de ne pas avoir remué ! Pouvait-il nous donner meilleure leçon ?»
Le fœtus récalcitrant avait été publié à très petit nombre, à compte d’auteur, en 1939 à Tunis.
Il n’avait jamais été réédité.
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24/02/2011