Lettre de Pierre Jean Jouve à Jean Paulhan
Paris le 28 octobre 1933.
Mon cher ami,
Ah que vous faut-il donc ? je vous donne à relire : « Les trois idées de destruction révolutionnaire, de souillure érotique et de progrès spirituel… » « L’obsession sexuelle. » « Les expériences incantatoires auxquelles il s’acharne sur la peau et (très particulièrement) sur le poil de la bête. » « La psychologie des traceurs de graffiti. » « Réitérations lubriques ou excrémentielles. » « Une série d’aspirations équivoques, où l’accès à l’amour divin serait procuré dans les prolongements de l’ordure physique. »
« Mais sans doute la beauté et l’art sont-ils plutôt un motif d’enquête qu’un but aux yeux de M. Jouve, cherchant dans leurs dessous leurs raisons les moins avouables. »
Pourquoi voulez-vous m’intimider ? Je ne suis plus intimidable. Vous feriez mieux de convenir que vous avez eu le tort de laisser passer un article infâme, dans son intention et dans ses termes, contre l’œuvre élevée et difficile (je m’excuse) d’un de vos fidèles amis, et en un lieu où cet ami se croyait en sécurité.
Dans la voie que vous prenez en prétendant me forcer d’accepter, il n’y a plus que séparation. Je n’ai en tout cas aucune raison d’appartenir à la Nouvelle Revue Française, connaissant quels ennemis j’y ai. A ce propos je vous prie d’effacer Les Deux Etudiants de la liste des titres annoncés.
Je vous serre la main.
Pierre Jean Jouve.
Laisser un commentaire
7/06/2010