Mordre la queue
Nous fûmes un jour témoin d’une terrible bataille que se livraient deux chiens attelés sous une charrette de boulanger. L’un des deux combattants ayant probablement concience de son infériorité vis-à-vis de son adversaire, avait tout à coup cessé de se défendre. Son antagoniste en profita et le saisit à la joue sans vouloir le lâcher, malgré les cris et hurlements de douleur du maheureux animal maintenu de la sorte.
Cette récréation peu habituelle avait amené quantité de badauts qui naturellement y allaient chacun de leur petit conseil.
Le garçon boulanger frappait à tour de bras sur l’arrière train de l’irascible batailleur, un monsieur se servait de sa canne dans le même but au moment où nous intervînmes, attiré par le rassemblement en question.
Le chien ne lâchait toujours pas son pauvre compagnon de la beur, se bornant à grogner, tel un lion qui rugirait sous les coups qu’il reçoit. Que fîmes nous ? Après nous être rendu compte de ce qui se passait, nous priâmes le garçon boulanger et le monsieur à la canne de cesser de frapper de la sorte et conseillâmes au porteur de pains, de saisir la queue du chien happeur dans la bouche et d’y donner un bon coup de dent. Le brave garçon ne se le fit pas dire deux fois. Il saisit aussitôt le moignon de queue du chien en question et vlan ! y mordit à pleines dents. L’effet attendu se produisit instantanément. Sous la douleur cuisante de la morsure, l’animal avait lâché aussitôt sa victime.
La lutte était terminée du coup, le vainqueur ne s’occupant que d’une chose, se retourner pour essayer de lécher son appendice caudal endolori, dans lequel le jeune mitron avait dû mordre avec l’inscouciance de son âge, tel un enfant mordant dans un bâton de sucre d’orge !
C’est donc bien là la preuve que la queue du chien est chez lui l’un des organes les plus sensibles.
Joseph Couplet, Le chien de garde, de défense et de police.
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31/08/2008