Polémique au Mercure
Georges Palante
Le 30 janvier, Georges Palante adresse à M. Valette un article en réponse à M. de Gaultier. M. Vallette lui retourne le manuscrit avec la lettre suivante :
« Paris, le 1-2-1923.
Cher Monsieur,
Je suis désolé de vous contrarier ; mais nous ne pouvons continuer cette discussion ; car il n’y a aucune raison pour qu’elle prenne fin. Il est de la dernière évidence que M. Jules de Gaultier répondrait une troisième fois à votre troisième article, et qu’à cette troisième réponse vous auriez encore à répondre, ce qui provoquerait une nouvelle lettre de votre contradicteur non convaincu.
Vous avez écrit deux fois. M. Jules de Gaultier deux fois. Nous ne pouvons aller plus loin sans « embouteiller » la rubrique Philosophie ; et tout de même, à côté de l’intérêt des contradicteurs il y a celui de la revue. Si encore nous étions une publication exclusivement philosophique, on admettrait peut-être que deux philosophes y poussent le débat jusqu’à ses extrêmes limites, pour finalement rester sans doute en désaccord ; mais dans une revue générale, ce n’est pas possible.
Je vous prie de recevoir, cher Monsieur, avec mes regrets, l’expression de mes meilleurs sentiments.
A. Valette »
Georges Palante répond à M. Vallette par la lettre suivante :
» Saint-Brieuc, le 4 février 1923
Monsieur,
Je ne vous apprendrai rien en vous disant que votre procédé est sans précédent.
D’autorité, vous coupez court à une polémique ; vous ôtez la parôle à l’un des adversaires.
Vous avez donné l’hospitalité à une lettre de M. J. de Gaultier, dont le caractère agressif ne vous a pas échappé.
Après quoi, vous trouvez tout naturel de m’imposer silence.
Vous invoquez de vagues motifs : l’impossibilité d’éterniser le débat, la nécessité de ne pas embouteiller la rubrique.
Est-il besoin de rappeler que le Mercure a accueilli des polémiques autrement prolongées ?
Vous dites que chacun des adversaires a écrit deux fois et par conséquent se trouve sur le pied d’égalité.
C’est faux.
Vous oubliez que M. de Gaultier a fait deux réponses et que et que je n’en ai fait qu’une – mon premier article était une chronique ordinaire consacrée au compte-rendu critique de divers ouvrages et parlait du livre de M. de Gaultier dans les termes les plus mesurés et les plus corrects.
Les réponses de M. de Gaultier occupent dix pages du texte du Mercure. La mienne en occupe trois.
Mais je suis trop naïf de faire valoir des raisons.
La vérité est que vous voulez laisser le dernier mot à M. de Gaultier qui a sans doute besoin qu’on bâillonne son adversaire.
La plus élémentaire probité littéraire vous ferait une loi de prévenir le public, de l’avertir que l’un des adversaires est resté maître du terrain par le bénéfice d’un veto directorial.
Il n’est guère possible d’ajouter à une telle vilenie.
Je tiens pourtant à vous faire remarquer que vous agissez ainsi a l’égard d’un collaborateur de quinze années, d’un rédacteur dont les chroniques ont été, j’ose le dire, hautement appréciées du public philosophique et ont valu au Mercure, j’en ai des témoignages certains, nombre de lecteurs et d’abonnés.
Votre procédé fera peu d’honneur au Mercure. Je suis entré, il y a bien des années, au Mercure. C’était un autre Mercure… le Mercure de Remy de Gourmont… C’est sans regret que je quitte le d’aujourd’hui.
Veuillez agréer mes salutations distinguées,
G. Palante. »
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12/07/2008