En vrac [3]
On continue, même les jours fériés…
Pour commencer, 9 mini-romans d’amour déjantés signés par le maître canadien de la parodie, selon l’éditeur Wombat.
Ah ! l’Amour. Le thème le plus traité de la littérature mondiale, sans cesse décliné à toutes les sauces. Rien d’étonnant à ce que le caustique et spirituel Stephen Leacock ait su en tirer pas moins de neuf versions parodiques distinctes dans ses deux recueils classiques (Nonsense Novels & New Nonsense Novels) : version guerre des sexes sur une île déserte (« L’Île de la tentation, ou Les naufragés de l’amour »), version idylle chevaleresque pré-Monty Python (« Guido, la broche de Gand »), version conte de Noël à la Dickens (« Le Noël de Caroline »), version journal d’une hystérique tolstoïenne (« Les souffrances d’une âme supérieure, ou Les Mémoires de Marie Mushenoff, traduites automatiquement du russe »), version écossaise à la sauce Brontë (« Hannah des Highlands »)…
Universitaire et lettré, Leacock concasse tous types de romans fainéants pour en faire des pépites de nonsense accélérés à mourir de rire, plutôt qu’à se pâmer d’amour. On constatera à la lecture de ses irrésistibles « mini-romans » (datant de 1911 et 1920) d’une étonnante modernité à quel point les clichés littéraires et amoureux, ici passés à la moulinette d’un précurseur de Tex Avery, ont si peu changé.
Avec un art subtil mais décapant dont Groucho Marx et Woody Allen, entre autres, ont vanté le génie, Stephen Leacock posait alors les bases du comique moderne anglo-saxon.
La présente édition reprend l’intégralité de L’Île de la tentation (Le Dilettante, 2003) augmentée de trois nouvelles, dont une inédite en français.
Traduit de l’anglais (Canada) et postfacé par Thierry Beauchamp Couverture de Glen Baxter « Poche comique » n° 3 Parution : 6 octobre 2016 196 pages – 7,50 €
Surnommé le « Mark Twain canadien », l’universitaire et écrivain Stephen Leacock (1869-1944) fut l’oncle bienveillant de la littérature comique moderne du XXe siècle, dont l’influence s’étendra de la première génération du New Yorker jusqu’à Woody Allen et aux Monty Python, dont le sketch « Four Yorkshiremen » est une adaptation littérale de sa nouvelle « Self Made Men » (1910).
Célébré au Canada pour son roman choral Bienvenue à Mariposa (Wombat, 2014), Leacock est devenu un classique lu dans tout le monde anglo-saxon, notamment grâce à ses deux recueils de Nonsense Novels (en français L’Île de la tentation et Le Plombier kidnappé) considérés comme des chefs-d’œuvre de la parodie.
Comme disait un de ses lecteurs : « Stephen Leacock est un des types les plus drôles que je connaisse… Une fois qu’on a commencé à le lire, on ne peut plus s’arrêter. » (Groucho Marx)
Chez L’Aube éditions :
Libérer l’Irlande de l’oppression anglaise !
Tout au long du XIXe siècle, le pays est transcendé par cette injonction. Et si les réponses sont multiples, modérées pour certains – visant à l’instauration de l’autonomie – ou beaucoup plus radicales pour d’autres, le peuple d’Irlande tout entier est traversé par cette aspiration. Paul Féval restitue brillamment le climat délétère d’une Irlande opprimée avec ce roman de haine et de vengeance, d’amour et de mort dans un pays ruiné et déchiré à la veille d’un des épisodes les plus terribles de son histoire, la Grande Famine.
1675. Une femme vampire possédant les secrets les plus enviés de l’humanité – à savoir ceux de l’immortalité et de la transmutation du plomb en or ! – est brûlée vive sur le bûcher. Quarante-cinq ans plus tard, son amant, devenu marquis et respectable notable du régime, se souvient soudainement de son amour perdu lors d’un dîner à la table du régent de France. Coïncidence ? En tout cas, c’est trois ans après ces événements qu’à cette même table, un individu relate des faits rappelant étrangement ceux qui se produisirent dans la vie du marquis. Mourir sur le bûcher suffit-il pour éradiquer le mal ?
En tout cas, la chasse aux sorcières est ouverte… Un roman fantastique et rocambolesque !
La peur s’est à nouveau abattue sur Paris !
Une étrange créature sème l’effroi en l’île Saint-Louis, dans le sillage de Bénédict Masson que ses terribles méfaits menèrent – malgré ses véhéments cris d’innocence – à la guillotine. Sur les pas du meurtrier, celle que l’on ne tarde pas à surnommer dans la ville « la machine à assassiner » va irrésistiblement nous entraîner dans le sillon vermillon qu’a tracé la poupée sanglante.
Car si elle est muette, la créature ne s’en exprime pas moins avec l’écriture du… guillotiné ! Les mêmes lieux, les mêmes morts rejaillissent, et le mystère ne se dissipera que grâce au magistral génie romanesque de Gaston Leroux !
Une véritable fresque horrifique.
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Qui est vraiment Bénédict Masson ? Ange romantique ou démon psychotique ?
Relieur de son état en l’île Saint-Louis, avec pour seules compagnes sa laideur et sa solitude, la haine des femmes l’anime autant que le désir d’être aimé. Il nous entraînera, comme tous les personnages de ce roman, dans la folie, le désespoir et la mort. Tout au long de ce texte à la troublante et poétique noirceur, on trouvera des corps découpés, un tueur en série avant l’heure, de mystérieux Hindous aux étranges pouvoirs, un voyeur, une guillotine, des vivants qui ont l’apparence des morts… et des femmes qui disparaissent. Injustement oubliée, cette véritable fresque horrifique, étonnante synthèse entre fantastique, suspens et surnaturel, retrouve aujourd’hui sa juste place au panthéon de l’étrange et du mystère.
Parmi les canaux blêmes de l’ancien port figé dans des eaux sépulcrales, le roman se joue entre des reflets : celui d’une femme que Hugues Viane a passionnément aimée, celui d’une morte dont il croit retrouver l’image chez une vivante.
Récit fétichiste, où toute la sémiologie de la ville participe aux cérémonies du deuil. Livre culte pour les spleens d’aujourd’hui.
Et ça commence comme cela :
» Le jour déclinait, assombrissant les corridors de la demeure silencieuse, mettant des écrans de crêpe aux vitres.
Hugues Viane se disposa à sortir, comme il en avait l’habitude quotidienne à la fin des après-midi. Inoccupé, solitaire, il passait toute la journée dans sa chambre, une vaste pièce au premier étage, dont les fenêtres donnaient sur le quai du Rosaire, au long duquel s’alignait sa maison, mirée dans l’eau.
Il lisait un peu : des revues, de vieux livres ; fumait beaucoup ; rêvassait à la croisée ouverte par les temps gris, perdu dans ses souvenirs.
Voilà cinq ans qu’il vivait ainsi, depuis qu’il était venu se fixer à Bruges, au lendemain de la mort de sa femme. Cinq ans déjà ! Et il se répétait à lui-même « Veuf ! Être veuf ! Je suis veuf ! » Mot irrémédiable et bref ! D’une seule syllabe, sans écho. Mot impair et qui désigne bien l’être dépareillé.
Pour lui, la séparation avait été terrible : il avait connu l’amour dans le luxe, les loisirs, le voyage, les pays neufs renouvelant l’idylle. Non seulement le délice paisible d’une vie conjugale exemplaire, mais la passion intacte, la fièvre continuée, le baiser à peine assagi, l’accord des âmes, distantes et jointes pourtant, comme les quais parallèles d’un canal qui mêle leurs deux reflets.
Dix années de ce bonheur, à peine senties, tant elles avaient passé vite !
Puis, la jeune femme était morte, au seuil de la trentaine, seulement alitée quelques semaines, vite étendue sur ce lit du dernier jour, où il la revoyait à jamais : fanée et blanche comme la cire l’éclairant, celle qu’il avait adorée si belle avec son teint de fleur, ses yeux de prunelle dilatée et noire dans la nacre, dont l’obscurité contrastait avec ses cheveux, d’un jaune d’ambre, des cheveux qui, déployés, lui couvraient tout le dos, longs et ondulés. Les Vierges des Primitifs ont des toisons pareilles, qui descendent en frissons calmes.
Sur le cadavre gisant, Hugues avait coupé cette gerbe, tressée en longue natte dans les derniers jours de la maladie. N’est-ce pas comme une pitié de la mort ? Elle ruine tout, mais laisse intactes les chevelures. Les cheveux ne se décolorent même pas. C’est en eux seuls qu’on se survit ! Et maintenant, depuis les cinq années déjà, la tresse conservée de la morte n’avait guère pâli, malgré le sel de tant de larmes.
Le veuf, ce jour-là, revécut plus douloureusement tout son passé, à cause de ces temps gris de novembre où les cloches, dirait-on, sèment dans l’air des poussières de sons, la cendre morte des années.
Il se décida pourtant à sortir, non pour chercher au dehors quelque distraction obligée ou quelque remède à son mal. Il n’en voulait point essayer. Mais il aimait cheminer aux approches du soir et chercher des analogies à son deuil dans de solitaires canaux et d’ecclésiastiques quartiers.
En descendant au rez-de-chaussée de sa demeure, il aperçut, toutes ouvertes sur le grand corridor blanc, les portes d’ordinaires closes.
Il appela dans le silence sa vieille servante : « Barbe !… Barbe !… »
Aussitôt la femme apparut dans l’embrasure de la première porte et devinant pourquoi son maître l’avait hélée :
– Monsieur, fit-elle, j’ai dû m’occuper des salons aujourd’hui, parce que demain c’est fête.
– Quelle fête ? Demanda Hugues l’air contrarié.
[…]
Pour un 11 novembre, c’est parfait.
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11/11/2016