À quoi bon la poésie aujourd’hui ?
À quoi bon la poésie aujourd’hui
À quoi bon la poésie aujourd’hui ? Pourquoi lire de la poésie, pourquoi écrire des poèmes ? Poser cette question, c’est presque sous-entendre : aujourd’hui encore — comme si hier, ce pourquoi nous avons à nous excuser aujourd’hui avait eu, peut-être, un sens.
Deux réponses extrêmes sautent à l’esprit, négatives toutes les deux. La première récuse la question : il n’y a pas d’ « à quoi bon » qui fasse, la poésie, comme toute forme d’art, est à elle-même son propre but. Aujourd’hui et toujours. Or c’est bien là l’enjeu : tout ce qui importe vraiment est à soi-même sa propre fin, donc à la fois inutile et essentiel. Et peut-être même plus essentiel aujourd’hui que jamais. La poésie aussi. Il s’agira bien d’avancer ici la preuve de cette nécessité, d’explorer ce qu’elle peut signifier.
La seconde réponse récuse l’objet : à l’époque où nous vivons, il convient de s’occuper de choses plus utiles, il convient de « changer le monde ». Or, dit-on, l’art ne change pas le monde. On ferait bien de se plonger dans les pages politiques des journaux au lieu de lire ou d’écrire des poèmes. Proposition qui non seulement ne représente pas une véritable alternative, mais au fond, se borne à reprendre le postulat d’Adorno, répété à satiété et démenti depuis longtemps, selon lequel la poésie aurait été rendue impossible par Auschwitz. Autrement dit, la poésie ne saurait être à la hauteur de la réalité particulière de notre temps.
Je répète ma question tout en la précisant : la poésie a-t-elle encore une fonction dans la réalité de notre vie moderne ? Et si oui, laquelle ?
Formulé de la sorte, notre sujet sera : poésie et réalité. Ou encore : poésie et liberté.
Car pour peu que l’on envisage la poésie comme un exercice de liberté, on rejoint déjà l’autre question, celle de la transformation de la réalité. Au contraire de l’art, en effet, la transformation de la réalité n’est pas une fin en soi, mais elle est au service de la liberté potentielle de l’homme, au service de son humanité. Sinon, elle est sans intérêt. Dans ce sens, les deux questions tournent autour du même axe.
En tout cas, c’est la réalité qui est en cause. Je citerai Joyce, qui annonçait sa décision de se vouer à l’écriture dans les termes suivants : « I go to encounter for the millionth time the reality of experience [Je vais affronter pour la millionième fois la réalité de l’expérience] ».
Jamais encore, semble-t-il, la réalité n’a été aussi perfide que celle qui nous entoure aujourd’hui. Elle menace de détruire la réciprocité entre elle et nous, elle menace, d’une manière ou d’une autre, de nous anéantir. C’est le danger le plus subtil qui semble presque le plus inquiétant : il existe sans exister. Tout le monde en parle. Personne ne le rapporte à soi. Ce danger s’appelle la « chosification », c’est notre métamorphose en une chose, en un objet manipulable : la perte de nous-mêmes.
La poésie peut-elle encore nous aider à affronter une telle réalité ?
Hilde Domin, « À quoi bon la poésie aujourd’hui », traduit de l’allemand par Marion Graf, dans La Revue de belles-lettres, éditons Médecine et Hygiène, Chêne-Bourg (Suisse), 2010, I-2, p. 233-234, 235 et 236.
47 «gueules cassées» de Jean Delobaux
47 «gueules cassées» du sculpteur et céramiste lillois Jean Delobaux, exposées au fort du Vert-Galant, à Wambrechies…
Dans le cadre de l’exposition internationale d’Human Art’s World, intitulée « Du chaos à la paix ». La Grande Guerre dans le regard d’artistes européens et africains, essentiellement.
Jusqu’au 12 octobre inclus, les vendredis, samedis et dimanches, de 14 h à 19 h, au fort du Vert-Galant, à Wambrechies. 3 € ; gratuit pour les moins de 18 ans.
Raconter la douleur
Raconter la douleur ? Récits et interprétations de la souffrance entre littérature et sciences de la vie dans l’Europe des dix-septième et dix-huitième siècles
Colloque international et pluridisciplinaire
(Mulhouse 19-21 novembre 2014)
Institut de Recherche en Langues et Littératures Européennes (ILLE EA 4363)
Université de Haute-Alsace
Ces dernières années, les études dans le domaine des humanités médicales se sont intensifiées et le nombre des chercheurs qui travaillent sur cette région interstitielle de la littérature, de la philosophie et de la médecine (étant donné que la différenciation des disciplines est postérieure et rétrospective par rapport à la production des textes) s’est accru. En 2005, le colloque Littérature et médecine. Approches et perspectives (XVIe-XIXe siècles)[i] a proposé un état des lieux de la discipline et depuis, plusieurs études et colloques ont repris en considération la relation entre littérature et médecine. Comme le rappelle Andrea Carlino, s’appuyant sur une réflexion de Benveniste, ces deux domaines du savoir convergent dans leur commun usage de la parole depuis les plus anciennes formes anthropologiquement organisées de la société indo-européenne.
C’est dans cette lignée que ce colloque souhaite s’inscrire, s’interrogeant sur la douleur et sa mise en récit, en littérature et en médecine. En effet, si la représentation que la médecine contemporaine se fait de la douleur est certainement tributaire des théories scientifiques du XIXe siècle, ses relations avec les époques précédentes ont été moins explorées, mais restent fondamentales pour comprendre la question de la douleur. Entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, l’étude médicale de la douleur commence à se détacher du cadre de la théologie chrétienne. La médecine de l’époque cartésienne, comme le rappelle Roselyne Rey dans son Histoire de la douleur[ii], replace l’étude de la douleur au sein de la réflexion plus générale sur la sensation. Thomas Willis, en Angleterre, Albrecht Von Halle, en Allemagne, mènent leurs recherches dans cette direction et les philosophes des Lumières marquent une évolution encore plus importante au sein du processus d’émancipation de l’herméneutique chrétienne de la souffrance. Les études sur la douleur vont désormais nourrir le discours sur la sensibilité.
Dans quelle mesure ce changement de perspective aurait-il des liens avec la production littéraire, à une époque où les frontières entre les disciplines et entre les genres ne sont pas bien définies ? Quelle est la contribution de la République des lettres au développement ce cette nouvelle épistémologie ?
Notre réflexion se déroulera sur trois axes principaux :
a) narratologique et rhétorique : comment l’expérience de la douleur est-elle racontée, en littérature et/ou en médecine ? Les humanités médicales et la médecine narrative s’accordent sur l’importance des pratiques narratives dans la compréhension des états thymiques (plus ou moins pathologiques) de l’être humain. Jérôme Bruner, dans son texte sur la dimension cognitive de la narrativité[iii], a bien montré la fécondité d’une perspective multidisciplinaire axée sur la narration : narration du souffrant, à la première personne, ou bien celle du médecin, dans un souci d’objectivité, ou encore une coïncidence entre les deux, l’« autopathobiographie[iv] » de Georges Cheyne dans son The English Malady[v].
b) sémiotique : définit-on, décrit-on et nomme-t-on la douleur ? Quels mots sont utilisés ? Quelle épistémologie se dégage des mots qui disent la douleur ? À cet égard, on se souviendra de l’étude de A. J. Greimas sur la nostalgie[vi], qui retrace l’itinéraire méthodologique conduisant de la lexicologie à la sémantique historique. De même, on pourra prendre en compte la dimension qui, d’après la lecture de Starobinski[vii], mène de l’étude stylistique à la sémantique historique. Les études sur les formes d’intertextualités (réception, traduction, récurrences des termes) et sur la circulation des textes sont encouragées.
c) historique : quelle est l’évolution des théories et/ou des pratiques littéraires et médicales ? Il ne s’agira pas tant de retrouver les représentations de la médecine dans la littérature ou vice-versa, mais plutôt de circonscrire les manières de décrire, de représenter (et se représenter) l’expérience de la douleur, à une époque où les domaines « littéraire » et « médical » ne sont pas cloisonnés. Quelles sont les conditions matérielles de production de ces textes ? Quels sont les contextes qui les génèrent ? Quelle est la grille épistémologique qui les informe ?
Blitzkrieg : Histoire Du Punk En 45 Tours
Blitzkrieg : Histoire Du Punk En 45 Tours – Géant Vert Collection »Philippe Manœuvre » – Editions Hoëbeke – 2012
De 1976 à 1979, la musique rock a connu sa dernière révolution totale. Non content de donner un grand coup de pied dans le fondement d’une société où plus rien ne se passe, des jeunes pas si désœuvrés que ça invente le punk rock à travers une flopée de 45 tours qui sont plus des manifestes à la création que de simples chansons de moins de trois minutes. En quelques mois, ces jeunes gens changeront la face du monde musical avant de s’attaquer avec autant de succès à la mode, au design, à la peinture, au cinéma, à la bande-dessinée et à tout ce que la planète peut compter d’activités artistiques. Avec ce livre, l’auteur revisite ces trois années de folie à travers 80 singles enregistrés par autant de groupes aussi essentiels les uns que les autres même si la plupart n’ont pas connu le même succès que les Clash ou les Sex Pistols.